J’AI CREUSÉ LE TROU DANS LA TERRE

Je suis rentrée armée de ma rage et d’une pelle pour enterrer mes larmes que notre histoire a fait couler.
J’ai fendue la terre, je l’ai frappée, je l’ai déchirée.


J’ai creusé jusqu’à atteindre le seuil que je m’étais fixé et là, face à ce trou symbolique et béant, je me suis mise à hurler. J’ai crié l’épouvante de l’abandon qui me privait de refuge, j’ai exulté pour ne plus sentir la morsure des lames qui me traversaient.


J’ai plié parce que j’avais mal, mal à en crever.
À genoux devant le diable, j’ai failli lui vendre mon âme pour qu’il me sauve de la douleur qui m’oppressait.
Et puis, j’ai pioché dans les souvenirs pour en extraire les plus mauvais et dans le trou je les ai balancés.


J’ai fourché ma mémoire pour décoller et détruire le plus abîmé. Je l’ai extrait et je l’ai jeté au fond.
Ils se sont mis à se tordre, à agoniser en se collant les uns contre les autres.
Je les voyais essayer de remonter les parois pour me rejoindre, ils me suppliaient de ne pas les laisser seuls.
Mais moi j’étais mieux, je me sentais presque bien, je souriais devant leur linceul.


À la petite cuillère, j’ai curé ma tête pour extraire les faiblesses qui m’ont faites flancher.
À la bêche, j’ai raclé mon esprit pour récupérer la tristesse et la rancœur que je ne veux pas éprouver.
J’enterre ce soir ce que j’ai cru de nous, mais je garde le meilleur pour continuer à me porter.


Je ne veux pas rayer les bons moments sous prétexte qu’un jour, je me suis réveillée dans le noir parce que tu n’avais plus envie de rester.
Je ne veux pas me détruire, je ne veux pas m’anéantir, je ne veux pas mourir avant d’avoir fini de vivre.
La vie c’est ça aussi… c’est souffrir, guérir et grandir. C’est changer, évoluer et se transformer !

Est-ce vraiment un drame ? personne n’a disparu, personne ne s’est éteint.
Nous sommes encore là… alors ai-je le droit de céder à mes blessures sans essayer de comprendre ?


Ai-je le droit de poser toute la faute sur tes épaules ? de nous réduire à ce que je ressens maintenant, alors que j’ai eu la chance de partager des moments extraordinaires avec toi ?


Qu’est-ce que je vais décider de garder ? Qu’est-ce qu’il va me rester ? Des faiblesses pour m’entraver ou des forces pour évoluer ?
Oui c’est dur, mais ce n’est pas une fin… je vais plutôt regarder le début d’autre chose.
Ce n’est pas un échec. L’échec aurait été de rester et de s’épuiser jusqu’à nous détester.


Je ne perds rien. Je recommence à partir de là où j’en suis, à partir de Qui je suis aujourd’hui.


J’ai séché ma peine avec ma manche et avec mes mains j’ai saisi la terre fraîche et argileuse.
Elles se sont noircies en remuant l’odeur de la source même de l’existence… l’odeur du point de départ, mais j’avais la sensation d’être plus grande qu’auparavant.


J’ai rebouché le trou que j’avais fait avec une conscience nouvelle.
J’ai enterré les réactions de mon ego pour pouvoir me relever et te remercier de m’avoir accompagnée, de m’avoir aidée à grandir, de m’avoir aimé.


Je me suis relevée pour te souhaiter le plus beau des chemins, pour me souhaiter le meilleur du destin.
J’ai regardé la tombe des souffrances et j’ai souris en grand.


J’ai dit Merci, j’ai dit Oui… et quoi qu’il arrive j’irai toujours vers la vie…

Elody