À CE QUE TU CROIS, IL FAUT AJOUTER LE RESTE
Je parcours les plaines et les montagnes depuis de nombreuses années déjà.
Je m’aventure dans les ruisseaux, je me cache entre les rochers et tous les jours je marche dans l’espace de cette nature immense, qui ne livre jamais tous ses secrets.
J’ai une bouille abordable, une taille qui n’a rien d’impressionnable, je sais.
Si l’on se voit face à face, tu auras même peut-être envie de me capturer… mais méfiance et défiance sont mes sœurs de prudence.
Je ne suis pas un agneau parce que je ne montre pas les crocs.
Ne commets pas l’erreur de me ranger dans une case, parce qu’avant même que tu crois m’y retrouver, je me serai enfuie et démultipliée.
Ne commets pas l’erreur de penser me connaître, parce qu’avant même que tu puisses le faire, il te faudra me suivre et ça, tu peux me croire cela n’a rien de facile.
Je suis une solitaire qui aime les bains de sociabilité, une âme sans dépendances qui toujours se sent bien où elle est.
Depuis des années, je ne compte que sur moi-même et ce n’est pas demain que ça va changer.
Je ne suis pas un agneau parce que je suis douce et adorable.
Ne commets pas l’erreur de vouloir me mettre un collier et me relier à une chaîne, plantée par un piquet dans un sol toujours trop meuble.
Je suis comme Blanchette, la chèvre de Mr Seguin… l’appel de ma liberté en échos contre les parois monumentales de la Vie qui m’entourent, m’appelle.
Le champ des possibles est bien trop vaste pour rester croupir sur le même bout de terre usée.
Je ne crains pas les loups. Contrairement à elle, je sens venir les pièges.
Ne commets pas l’erreur de penser m’adopter.
Même si je suis capable de tout donner, j’ai un côté sauvage que je compte bien garder.
Depuis longtemps j’ai appris à m’adapter à mon environnement.
J’ai trop attendu sans bouger d’être sauvée, que j’en ai eu des engelures sous les pieds et jusqu’au nez.
J’ai soigné mes blessures avec les plantes des collines et des forêts.
J’ai bu à l’eau des cascades et j’ai nettoyé mon âme sous le calme des lacs gelés.
Mes sens sont très bien affutés. Je reconnais toute la palette des odeurs dont je dois me méfier.
J’observe longtemps, je laisse beaucoup de place et de confiance à la chance pour qu’elle me prouve à qui j’ai à faire avant de m’engager sur un nouveau sentier.
Et quand je me trompe, je m’échappe… comme l’eau qui glisse, qui rampe et qui filtre… rien ne me retient.
Câblée sur mon instinct, je sais que revenir sera à jamais impossible s’il me dicte de fuir.
Tout cela fait de moi un petit être mignon et aimant, mais très exigeant.
Depuis peu, je lâche le perfectionnisme pour savourer mieux la spontanéité de mes voyages.
Mais je garde cette exigence qui me sert à évoluer, à changer, à bouger dans mes idées.
Si d’aventure on devait se croiser, je crois bien qu’en vérité l’agneau ne serait pas là où tu croyais le trouver.
Elody