L’INSTANT OÙ TOUT BASCULE
J’ai déchiré les lettres, j’ai émietté toutes les photos pour ne plus jamais revoir, subir, ressentir tout ce que toi et moi on a été.
J’ai arraché la violence de ton départ des murs de ma colère et je hurle la douleur qui me ronge comme un rat sans repères.
Je bascule dans le noir où je suis.
Le salon est endormi depuis que tu as récupéré ta vie et ta valise, depuis que je ne sais plus quel jour m’a mise à la dérive et je prive le soleil de mes sourires que je ne sais plus donner… je voudrais juste entendre tes clés tourner dans la serrure que tu as oublié.
Je voudrais que tout bascule et entrevoir ton visage apparaître derrière l’insensibilité de la fenêtre.
Je voudrais pleurer, exulter d’autres choses que d’horreur et faire revenir l’odeur de nos nuits, l’odeur de ta peau qui ne sait plus où je suis.
Dehors le vent ne pose plus de questions, dehors la pluie ne lave plus rien du tout.
Elle n’étanche que le dégoût de l’absence, mon indolence et mes freins sans circonstances… je ne connais plus aucune urgences, je ne contrôle plus rien du tout.
Je n’ai même plus de prières tant je regrette… il ne reste que ma détresse. Tu es loin, tu es déjà sur un autre chemin.
Nous avons été l’un pour l’autre une impasse qui n’a débouché sur aucun axe. Tu as dû escalader les toits pour t’échapper de moi et au fond si je regarde, je sais bien pourquoi.
C’est l’instant où tout bascule.
Je vis dans nos miettes et même les oiseaux craignent de venir se poser sur le rebord de la fenêtre.
Je ne suis plus que l’ombre de moi-même… en enjolivant mon rôle, j’avais pourtant su faire chavirer ton cœur.
Au plafond du salon où défile le film de notre vie en discontinu sur la toile de mes larmes, je regarde, je comprends.
Je comprends que tu n’aies plus voulu suivre… qu’à trop souffrir, un jour ou l’autre on reprend ses billes.
J’ai joué avec le feu comme une enfant pleine de caprices, je n’ai fait que tester tes limites… sans réaliser que la vitesse de mes bêtises allait me jeter dans le précipice.
Je ne peux rien te reprocher, tu m’avais prévenu et j’ai continué à te pousser dans la boue… à te pousser à bout.
Tu as explosé et lorsque j’ai réalisé que mon délire m’avait brûlé, tu n’étais déjà plus là pour éteindre le feu de toutes mes dérives.
Maintenant, il ne reste que le silence et les angoisses pour me faire la morale et tous ces regrets qui me brisent.
Il ne reste plus un semblant de paix… tout s’étouffe, tout est anesthésié.
Je ne sais toujours pas comment faire pour me passer de Nous, me sevrer, me soigner de ce trop-plein de doux.
Je repense à ta gentillesse qui se glissait partout et je me perds d’avoir tout gâché… d’avoir fait fuir le seul homme que j’ai vraiment aimé.
Je t’en remets à la vie en te souhaitant le bonheur, je t’en remets à la vie en te souhaitant le meilleur… moi je m’en vais changer de peau, de mots, balayer le trop. Moi je m’en vais apprendre que tout se perd quand on laisse décider son ego.
Elody