L’ÂME-HORS DU CORPS
C’est étonnant comme les époques peuvent déformer et trancher à leur avantage le sens des choses.
Si à l’origine, les religions se sont approprié la mort pour faire se repentir les hommes, pour les courber et parfois les fléchir… il reste des endroits où il en est tout autrement.
J’ai parcouru l’Inde et le Népal avec un sac à dos qui m’a plombé les épaules un mois durant, pourtant au fur et à mesure que j’avançais dans mon voyage, je me sentais de plus en plus légère, délestée d’autres sortes de poids.
Un matin, avant de reprendre la marche, j’ai croisé devant une échoppe ambulante un petit homme emmitouflé dans un kesa orange qui me riait au visage, comme cela n’arrive jamais en Occident.
Nous avons échangé quelques mots autour d’un thé au beurre et en sommes arrivés à parler avec bienveillance de cette notion dérangeante, qu’il m’était difficile d’accepter dans une autre vérité que celle de mes croyances.
Dans son costume de simplicité, il a mis sa main sur mon épaule et son sourire là où se trouve la porte cachée qui conduit les mots vers l’inconscient. Près de mon visage, il a murmuré :
« La mort… ce n’est que l’âme hors du corps… ici et tout autour de toi, rien ne s’éteint jamais… car vois-tu, l’énergie ne connaît aucune fin. »
Il a posé son front contre le mien quelques secondes et puis il a joint ses mains contre son cœur en s’inclinant doucement avant d’ajouter :
« L’âme est éternelle… autant que l’Amour qui bat dans le cœur de ceux qui restent
Vas en paix, où que tu ailles, car où que tu sois… tout continue d’exister ».
J’ai quitté mon ami d’un instant précieux, le cœur plein d’espoirs de le revoir un jour et puis j’ai souris avec des larmes dans les yeux en m’apercevant que ce ne serait pas le cas.
C’est alors qu’en perdant mon regard dans les décors enneigés de l’immensité, je me suis entendue penser :
« Où que je sois, où que j’aille… ce moment continuera à vivre entre nous deux…
Il n’existe pas de fin autre que celle de la mort du corps… l’âme vagabonde continue le voyage hors de ses frontières de chair, l’âme-hors du corps poursuit toujours son chemin vers la lumière ».
Elody