À LA FONTAINE DES SOUHAITS
Ne m’en veux pas, mais il a fallu que je parte… fuir sans laisser aucunes traces sur les marches de l’impossible. J’ai couru si vite dans ma robe blanche que j’ai semé l’horizon avant qu’il ne s’éteigne… j’ai regagné mon jardin aux merveilles pour m’étouffer dans ma peine. J’ai attendu d’être là-bas, de fermer la porte derrière moi pour laisser la terre s’imbiber de mes sanglots.
Mon monde s’est assombri de voir toute ma détresse… il n’a pas compris ce qui était en train de m’arriver. Depuis des jours, des semaines, des mois je venais lui parler de tout le bonheur que je ressentais…
Alors de petites lumières ont surgit de partout. En se multipliant par centaines, elles ont fait scintiller les haies, la glycine, la vigne vierge et les lettres en minuscules qui s’accrochent dans les feuilles et les tiges de toutes les fleurs qui bordent les allées de l’infinité.
Ici descendent des étoiles, des bulles de parenthèses que je n’ai qu’à ouvrir pour laisser le calme revenir et m’envahir.
J’ai retiré ma robe, j’ai détaché mes cheveux et pieds nus, j’ai remonté les pierres lissées par le poids des années. Il n’y a en ce lieu personne d’autre que mes petits animaux curieux pour me regarder.
Cet endroit de moi est si doux, si silencieux… c’est mon refuge le mieux gardé.
Au bout du chemin, sous le clair de lune, j’ai avancé jusqu’à la fontaine des souhaits. Il y’a tant de détails, elle est si belle que je ne pourrais pas la raconter.
Je la façonne à l’encre de mes rêves depuis que je suis née, c’est peut-être même ici que j’ai appris à marcher.
Dans le bassin nagent des souhaits par dizaines, des souvenirs bleutés et des bribes de mémoire argentées. Le fond est parsemé de ces cristaux de joie que je n’ai pas laissé à la vie d’en bas le pouvoir de me voler… que je ne laisse plus à personne le pouvoir de briser.
L’eau sucrée est si claire qu’à sa surface on y lit les espoirs imprenables, les désirs de voir tourner le monde avec plus de vérité et de bienveillance.
C’est un bain d’une chaleur parfaite près duquel les mésanges et les colombes nichent. C’est cet endroit suspendu dans l’éternité que je voulais un jour te faire découvrir.
Je me suis glissée dans l’eau en pénétrant par les escaliers qui rejoignent les ailes déployées du cygne de verre… et sous la cascade j’ai caressé mon visage pour le laver du mal qu’il ressentait. J’ai nagé longtemps pour laisser mon corps se détendre, revenir à lui, s’apaiser. J’ai croisé ces petites barques que mes écureuils utilisent pour regagner les nids dans les arbres qui touchent le ciel lacté.
Et puis les voix cristallines ont commencé à s’élever dans leur chant mélodieux. Elles ont prononcé les mots qui aident à réparer les vœux :
« S’il ne voit pas celle que tu es, alors ne cours pas… ne lui en veux même pas. Garde sa sincérité, mais n’oublie pas : « Celui qui ne mesure pas la rareté d’une perle lorsqu’il la croise, celui-là n’est pas digne d’être Roi ».
Et ce refrain m’a soulagé, il m’a bercé. Je me suis allongée sur la mousse qui m’a séchée et sous des plumes d’ange, je me suis endormie.
Au réveil, je suis revenue ici… tranquille, sereine… plus habitée.
Le jardin s’est refermé sans bruits sur la fontaine des souhaits.
J’ai laissé là-bas des graines et des secrets. J’ai laissé là-bas des prières à la noisette et les sources de mes envies de paix.
Depuis, je fredonne encore les notes venues des profondeurs de l’eau et je commence à comprendre… petit à petit j’entends ce qui me délivre, ce qui me rend à ma joie de vivre.
Elody