CE QUI FUIT

 

Ce matin alors que j’étais installée à la terrasse d’un café pour savourer une petite noisette au soleil avant d’aller travailler, j’ai surpris la conversation de deux personnes à la table à côté.
Très vite et sans aucune raison apparente le ton entre elles est monté.

 

L’agacement a remplacé l’écoute et le besoin de répondre celui de tenter de mieux comprendre l’autre.
Chacun justifiait la véracité de ses propos à grands renforts d’arguments, de critiques, de réflexions déplacées sans s’apercevoir qu’un fossé était en train de se créer entre eux.
Leurs cœurs étaient à présent si éloignés l’un de l’autre que pour s’entendre, ils devaient crier.

 

Puis les pieds d’une des chaises ont arraché le sol en béton et une silhouette a filé avant de disparaître au milieu des autres, entre les immeubles de la rue d’en face… Seule à la table, l’autre personne s’est mise à ruminer à voix basse, la voix pleine de larmes.

 

La scène était d’une tristesse infinie.
Que devais-je faire ? Me mêler de ce qui ne me regardait pas ou me taire.
J’ai déchiré une page de mon carnet pour y griffonner quelques mots. Lorsque je me suis levée pour enfiler mon manteau, j’ai coincé en toute discrétion le papier sous la soucoupe d’une des tasses à café et je suis partie.

 

L’histoire ne dit pas comment cette personne a réagit en découvrant ce message et cela n’a pas d’importance. Sous une pluie de feuilles rousses tourbillonnantes, j’ai marché jusqu’au boulevard en me répétant ces quelques phrases comme un mantra que je ne voulais pas oublier.

 

« Bien souvent nos réactions ne reflètent pas nos pensées, mais seulement nos émotions à un instant donné.
N’est-il pas dommage alors de vouloir démontrer que l’on a raison à tout prix au lieu de calmer le je(u) et de créer un dialogue d’échanges constructifs ?

 

N’est-il pas dommage de rester buté jusqu’à ce que le ton de la cordialité éclate et qu’il divise tout le précieux que l’on peut partager avec une personne qui compte à nos yeux ?
Si et c’est même du gâchis…

 

Ne pas accepter de reconnaître ses torts ne devrait jamais se faire au détriment du plus important… et l’important est souvent ce qui fuit ».

 

Elody

 

Photo de Mohamed Talaat

Lire plus de textes d’Elody

Lien vers la Boutique