IL M’A FALLU APPRENDRE

J’aurai aimé que tu me dises que pour d’autres que nous aussi, la vie c’était difficile… J’aurai aimé ne pas croire que j’étais seule à faire semblant de ne pas comprendre… à faire semblant d’être une enfant déjà trop grande.

Savais-tu déjà que je devrais serrer les dents et m’habituer à redouter le pire ? Savais-tu que ça m’endurcirait avant que cette armure oppressante ne s’émiette dans les années en devenir ?

Est-il possible que cette vie ait été bien trop effrayante devant mes petits yeux… bien plus que les monstres que j’imaginais sous mon lit ? sans aucun doute, oui.

Je crois que j’aurais aimé rester au creux de ton ventre pour écouter et entendre les pulsations de ton cœur à l’intérieur. Mais, est venue la naissance. Cette séparation n’a délivré personne… nous deux avons failli succomber à nos vies avant même de pouvoir nous étreindre dans un silence…
Mais je vis et il n’y pas si longtemps, tu vivais aussi.

Grandir dans notre fusion à été le plus délicieux et démoniaque des poisons… notre amour, la plus forte des addictions.
J’ai tout aimé, même quand on s’est déchirées ou qu’on s’est pas comprises… même lorsqu’on s’est rejetées et que je ne me suis pas soumise… mais ça tu vois, je ne le sais que parce que tu n’es plus là aujourd’hui pour en reparler.

Le verbe Aimer a perdu tant de sens dans sa souffrance.

J’ai dû le récupérer dans la boue des maux, le nettoyer sous un filet d’eau, le frotter d’un peu de savon en prenant soin de ne pas trop appuyer, de ne plus rien abîmer… j’ai fait comme tu m’as toujours montré.

Je l’ai enveloppé, séché et parfumé de senteurs naturelles et puis je l’ai collé contre moi, emmailloté dans ma chair…. Je l’ai serré plus fort, encore un peu plus près et sur son cocon protecteur de douceur, j’ai pleuré… d’une joie nouvelle, un jour j’ai exulté.

Je suis allée m’asseoir sur les bancs du vide et dans ma mémoire, on a échangé des sourires de souvenirs. On s’est effleuré les joues du revers de la main… sans mot on a parlé…
En vérité, il est plus juste de dire que nous avons échangé sans autre son que celui du plaisir.
Rien ne m’a jamais émue autant… pour un instant, je t’avais retrouvée.

Et puis lorsque mon corps s’est apaisé, conscient de cette étrange tranquillité, alors j’ai pris la clé pendue à mon cou et l’aie introduite dans une minuscule serrure sous ma clavicule.
En ouvrant ce tiroir intime, des pétales se sont bousculés pour s’en échapper.
L’Amour, je l’ai rangé ici, tu sens ?

Le boum boum, le tam-tam, le bruit sourd enivrant d’être là… tu l’entends ? Écoute et il saura te dire que rien ne se perd jamais ?
C’est l’incapacité à aimer encore qui fait mal et qui ronge… jamais le contraire en vérité.

Depuis j’aime follement, je m’émerveille de tout sans conditions, je vibre et je vis intensément… Je délivre la petite fille qui n’a jamais pu l’être et quand j’ai mal, je trace des lignes si vite que j’arrive même à perdre le vent qui déchire…

Il m’a fallu apprendre, mais aujourd’hui… j’aime tout éperdument Maman ?

Elody