LA FUNAMBULE
La funambule marche et se balance sur un fil sans équilibre ;
Suivre le berger lui est impossible, car elle ne cherche pas de destination précise.
« Vous savez lui avait dit le contorsionniste,
la vérité n’est pas un point d’arrivée, c’est un cap qu’il faut pouvoir suivre.
Au-dessous de vous des âmes bruissent, elles craignent de voir votre chute,
autant qu’elles songent au frisson qui glisse dans leur esprit…
Le risque qui murmure au bout de leurs lèvres que tout peut arriver,
que rien n’est impossible les fige.
Alors oui mon enfant, je vous le demande aussi,
Pourquoi le monde des hommes est-il si difficile à vivre ? »
Détachée, elle rejoint la piste dans les délices de barbe à papa et de popcorn fraîchement explosé de saveurs parfumées.
Elle se fraye un passage dans ce monde où les clowns qui peuplent les villes ne font plus rire, où les trapézistes ont peur du vide et où les cracheurs de feu éteignent les sentiments à grand renfort de fumées futiles.
Elle en a sa claque de tout ce cirque…
Il faut arrêter et désormais se rendre à l’évidence…
L’éléphant le pied attaché après les applaudissements est malheureux, ce n’est un mystère pour personne et pourtant on le regarde et on le photographie encore.
Ici elle serait condamnée… condamnée à errer seule… personne ne pourrait plus la suivre.
La sincérité ne connaît pas les techniques pour bluffer les tours des magiciens et faire apparaître des vols de mensonges au milieu des colombes.
Sous ce chapiteau qui sent la vieille toile mouillée, elle ne sait pas, elle ne sait plus…
Lassée… elle est descendue de ses sommets sans filet.
Alors au milieu de la foule qui ne voit rien, elle marche pour rejoindre les coulisses.
Elle referme le rideau pour se démaquiller de tout l’inutile, de toute la méchanceté collée sur sa peau étouffée. Elle se regarde en pensant qu’il est temps à présent de rester dans les loges… et laisse son costume de paillettes sur le paravent étoilé de poussières.
Avant de sortir, elle éteint la lumière de sa coiffeuse, et son reflet se perd dans le vague sans conserver d’elle aucune trace.
Elle part en laissant le silence… qui court après les rires et les mains qui frappent.
Et pendant que le spectacle se poursuit, elle fuit pour rejoindre sa réalité.
Elody