LES ÉGOUTS DU DÉGOÛT

 

À la déclinaison du jour, je me perds et j’erre sur les berges qui guident mes pas sous le pont de pierres.
Contre les pavés, l’air bat le rythme de l’empressement, il claque comme on court pour échapper au néant.

 

Je ne vois personne, je ne veux croiser aucun regard… je me perds plus loin et je sombre dans la bouche du hasard.

En remontant les égouts de mes nuits noires, j’embarque sur des pirogues en bois qui tanguent et qui m’entraînent à la rencontre de mes drames et des souvenirs carnivores sur les fleuves de l’espoir.

 

Comme des plantes qui s’ouvrent et referment leurs crocs sur les ailes de la douceur, arrachant au bonheur son essence, donnant à la colère toutes les raisons de se faire entendre et d’enterrer l’insondable insouciance… je glisse dans ma peur.

 

Remonter les sables émouvants, les terres mouvantes, les gorges qui s’effondrent dans des failles qui font moisir les derniers sentiments.
Suivre le courant… s’agripper à s’en arracher les ongles sur des parois trop froides, trop lisses de sens.

 

Déglutir le délire de se sentir vivre, sans comprendre les raisons des tourbillons qui vont et qui nous jettent contre des rochers saillants, qui saignent le sel de ce que la vie nous prend.

 

Alors la confiance rompt avec la souffrance. Elle se fiche de la théorie, des discours récités sans connaissance… elle coupe les fils emmêlés qui retiennent les tourments.

 

Et dans un semblant de calme, je m’aperçois que l’âme cherche à vivre ce qui lui correspond… en vérité, elle se moque bien de tous nos plans. Elle est un guide intuitif qui demande un brin d’attention, car elle sait bien mieux que nos résistances, où sont nos forces et quel est notre élan.

 

C’est en traversant les égouts du dégoût que j’ai quitté la puanteur de mes douleurs… qu’au fil du temps j’ai commencé à naviguer doucement dans le lit d’une rivière plus claire, dans les bras d’un flot plus tendre.

 

C’est en ne luttant plus contre les courants que j’ai pu atteindre des couleurs insoupçonnées… des berges et des rivages vierges sur lesquels j’ai pu tout recommencer.

 

Elody

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