LE PACTE – Elody Henry
Deuxième Roman d’Elody Henry
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CHAPITRE 1
Le Verdict
Lundi, 8 h 15, j’ai rendez-vous chez le médecin. Dans la salle d’attente, je suis assise seule et j’ai peur. Il fait encore noir dehors et l’appartement est éclairé par d’insupportables néons dont un clignote, comme c’est toujours le cas. En rentrant, j’ai essuyé mes pieds sur le vieux paillasson qui me souhaitait la bienvenue… quelque part en enfer.
Je sais pourquoi je suis là, je le sais depuis longtemps déjà. Mais j’attends.
Je feuillette ce magazine froissé qui a presque dix ans de plus que moi et je prie. Qui ? Où ? Pourquoi ? Ça, je ne sais pas.
J’ai passé beaucoup de temps à faire comme si de rien n’était, comme si rien ne m’atteignait. J’étais l’invincible phénix qui, ayant renaquit de ses cendres, croyait avoir passé l’insurmontable, se pensait indestructible.
Alors oui, je prie. Je prie pour que ce ne soit pas si grave, qu’il n’y ait rien d’irrémédiable.
Je prie pour être en train de rêver et me réveiller bientôt.
Je prie pour être ailleurs, plus tôt dans mon histoire, à un endroit où j’aurai pu la faire dévier de sa trajectoire.
Je demande à ce que quelqu’un m’entende. J’ai besoin d’aide, d’une réponse, d’une main qui se tende. Je lance un SOS, ma bouteille à la mer, un message depuis les portes de mon déni… et je me répète : Pourquoi moi ! Oui, pourquoi moi d’ailleurs ?
Je sors au galop de mes questions, en sentant une brutale pointe dans mon coeur qui m’effraie.
Alors je respire, je m’apaise autant que possible en me murmurant que je ne suis pas seule… mais mon ego est toujours très doué pour me duper à ce jeu-là… à imaginer le pire et à tout construire autour de lui.
Il n’y a aucun autre bruit dans le cabinet que celui de la secrétaire qui s’active et s’affaire à ranger ses affaires. Elle arrive et elle s’installe, à moins qu’elle ne s’enchaîne à ce bureau massif pour une nouvelle journée sans soleil. Elle consulte la tonne de messages sur son répondeur… tant de voix… tant de voix qui ont peur comme moi.
Elle retire son manteau en mohair rouge et commence à arracher les post-it qu’elle a collés hier sur la vitrine de son comptoir. Le vernis de ses ongles est accordé à son rouge à lèvres. Il lui manque le sourire, mais elle est belle. Une sorte de beauté froide qui ne laisse rien paraître. Je la regarde et je me demande de quoi elle a souffert elle. Quels sont les sacs qui la plombent dans sa terre ? Qui est-elle, derrière ce personnage qu’elle endosse à chaque réveil ?
Et puis la porte d’entrée s’ouvre et le médecin apparaît. Tu sais, quand ton coeur se soulève pour te filer la nausée… ça m’a fait pareil. Et là, je n’ai rien montré de mon désarroi, j’ai souri comme une fille qui a encore la vie devant elle.
— Bonjour Melle Isis !
— Bonjour Docteur, ai-je murmuré du bout de mes prières.
— Bonjour Hélène !
— Bonjour Docteur. Comment allez-vous ce matin ? Je profite de vous donner votre courrier et les messages que vous attendiez hier de votre confrère du CHU pour Mme Ballion.
— Merci…
Je n’écoute plus. Je regarde la scène sans le son. Elle s’appelle Hélène… comme la sublime reine qui a déclenché la guerre de Troie.
La reine de Sparte, tombée amoureuse du fils du roi Priam… la reine qui a déserté son pays et son peuple pour suivre celui qui faisait battre son coeur. La reine qui a traversé la mer Egée en clandestine jusqu’à sa nouvelle patrie. La reine qui a fait tomber aux mains d’Agamemnon, le frère de son époux Ménélas, une des plus grandes cités de l’Antiquité… celle qui n’a pas pensé aux conséquences de ses actes… celle qui a suivi et choisit le risque pour mieux se sentir exister… Ah la Belle Hélène ! Et elle alors ! N’était-elle pas aussi malade que moi ?
— Mademoiselle Isis, veuillez me suivre s’il vous plaît.
Je m’exécute en pilote automatique, n’ayant entendu que « s’il vous plaît ». Je ne me sens vraiment pas bien, comme si le sol allait s’effondrer brusquement sous mes pas.
Mes bottes en daim se plantent les talons dans le parquet qui grince comme une histoire de sorcière. J’ai envie de me retourner et de me mettre à courir vers la porte. Je me vois descendre
les escaliers en colimaçon, deux par deux et fuir de cet immeuble immonde pour le semer au milieu de la ville. J’entends les voitures, je peux très bien y aller… mais je sais que je ne le ferai pas. Je ne dois plus me dérober, il est temps à présent de faire face à une vérité que j’ai alimentée jusqu’à que mon corps l’absorbe tout entier.
Dans un silence monacal, je prends place sur la chaise face à ce visage que je connais depuis un moment maintenant. Je m’attends à l’électrocution qui va suivre.
— Comment allez-vous aujourd’hui ?
Toujours, je me suis demandé, si les médecins étaient bien sérieux en posant cette question à leurs patients… ou si l’ironie les amusait tant que cela.
À force de voir des gens qui vont mal, je n’ose pas imaginer ce que cela doit être de porter un gilet pare-émotions aussi redoutable que le leur. Est-on capable de sentir quand il nous étouffe ? Cette amputation émotionnelle, je n’aurai pas su me l’infliger. C’est pour cela qu’il m’est difficile de prendre du recul avec la souffrance, quelle qu’elle soit, car à mes yeux l’empathie et la compassion sont indispensables lorsqu’on espère devenir quelqu’un de meilleur que celui qu’on était hier. Ce n’est pas en fermant les portes de son coeur que l’on soigne les autres. L’amour et la gentillesse sont des médicaments bien plus puissants que tous ceux qui sortent des laboratoires et des usines pharmaceutiques… de ça, j’en étais certaine…
C’est pour tout cela que je vais y passer… parce que j’ai un coeur qui ne sait pas me suivre. Et peut-être que c’est ce que je préfère en définitive… plutôt que d’errer dans la vie comme une morte en devenir.
— Ne tournons pas autour du pot vous voulez bien ! Ça fait des jours que je ne dors pas et plus encore que je ne mange presque rien. Que disent les résultats ?
Il hoche la tête en signe d’approbation en se pinçant la lèvre inférieure et puis la voilà, l’ultime seconde qui sonne avant la cloche du ring annonçant le combat.
— Les analyses révèlent que vous souffrez d’une malformation cardiaque irrémédiable. Comme on vous l’a dit à l’hôpital, vous êtes bien atteinte du syndrome que l’on nomme « Le Coeur de Cristal ».
Mes larmes silencieuses lui indiquent qu’il peut continuer sans que je n’intervienne, tout est bloqué dans mon calvaire.
— Pour résumer, cela veut dire que votre vie ne tient plus qu’à un fil, à une émotion trop intense qui pourrait le faire exploser en éclats.
J’essuie tant bien que mal les deux rivières qui se jettent en cascades sur mon jean et lui, il reste calme tandis que je m’effondre.
— Cela implique par exemple de ne plus pouvoir tomber amoureuse… Je libère mes sanglots sans retenue. Sans le savoir, il vient déjà de prononcer le mot de trop… ni même de vivre un deuil, faire face à la brutalité d’un choc… vous ne pourrez plus souffrir sans risquer de mourir à votre tour… je suis désolé.
Un silence s’impose avant qu’il ne reprenne. Seule la joie pourra être exprimée, sans toutefois trop d’intensité non plus. Cela veut dire que vous devrez vous défaire aussi de la colère, du ressentiment, de la vengeance, de l’envie ou de la jalousie… de toutes ces émotions néfastes qui corrodent le cristal avant de le fissurer. J’ai conscience que ce n’est pas facile à entendre. Que vaut vraiment la vie, sans tout ce que l’on ressent pour elle ? Vous allez devoir le découvrir si vous voulez vous en sortir Nina.
― Bien, dis-je, en levant les yeux au ciel, espérant me raccrocher à une bonne étoile qui m’aurait oubliée.
― Pour ne rien vous cacher, les chances de réussites sont infimes. Le bilan montre que votre coeur a subi une sérieuse lésion et… nos confrères estiment que votre organe, en l’état, pourra continuer à fonctionner normalement pendant une période maximale de deux ans. Il s’est interrompu quelques instants, le temps que je puisse avaler l’indigeste. Vous avez des questions peut-être ?
Des questions ! Bien sûr que j’ai des tas de questions, mais je ne veux plus voir cette bouche s’ouvrir et s’articuler autour de la voix qui vient de m’annoncer ça !
— Non ! Dis-je en me levant d’un bond de lapin.
Ma tête se met à tourner, ma poitrine se ferme et ma cage thoracique m’oppresse. Punaise, c’est horrible comme j’ai mal, je suis paralysée par la panique ! Le cardiologue a compris que j’allais mettre en action mon plan secret d’évasion. Il décroche son téléphone tout en retenue.
— Hélène, un verre d’eau sucrée s’il vous plaît !
— Tout de suite Docteur !
Sans panique, il s’installe dans le fond de son fauteuil en réajustant ses lunettes rondes. Derrière lui, l’imposante bibliothèque garnie de livres, de diplômes et de figurines de Tintin qu’il collectionne semble vouloir m’avaler.
— Mademoiselle Isis, veuillez vous rasseoir juste un instant…
Je dis non avec la tête et mes genoux fléchissent comme si quelqu’un m’appuyait en même temps sur les épaules.
La Belle Hélène entre avec un gobelet qu’elle me tend, accompagné d’un sourire qui me fait du bien.
— Merci
— Hélène, veuillez prévoir un rendez-vous à la même heure la semaine prochaine, je vous prie.
Sans rien dire, elle acquiesce de la tête et referme doucement la porte derrière elle.
Je trempe mes lèvres, juste à peine, et je cherche le sucre qui m’apaise, comme un nourrisson qui boit son biberon de lait. Avec détachement, j’avale de petites gorgées, je renifle beaucoup aussi. Le regard du docteur droit dans le mien, mon coeur droit dans le sien, il me tend une boîte à mouchoirs sur laquelle est écrit « Un sourire pour chaque larme ». Je n’ai même plus la force de faire preuve de cynisme, je me vide à l’intérieur de moi-même.
— Il me reste deux ans à vivre et je n’ai pas le droit d’en profiter ! Je dois attendre et me reclure du monde sans pouvoir l’approcher. C’est ça l’idée ?
— En quelque sorte oui me dit-il presque gêné de me voir réaliser l’impensable.
— Mais ça ne m’intéresse pas… je ne veux pas ça moi ! Je n’ai pas envie de rester enfermée chez moi pour être certaine de n’avoir pour amie que la déprime et la nostalgie de tout ce que ma vie a été. Mon regard l’implore de comprendre que je ne me sens pas à la hauteur de cette double peine.
— Justement, là aussi il y a un risque. Il se racle la gorge par deux fois. Le rapport précise qu’il nous faut à tout prix éviter une dépression qui pourrait être critique.
— Mais quel est l’intérêt de ne pas le casser maintenant alors, ce foutu coeur qui ne sert plus à rien ?
— L’Espoir Melle Isis. Le Docteur se penche en avant et pose les coudes de sa blouse blanche sur son bureau avant de joindre ses doigts, comme le font tous les médecins lorsqu’ils ont des choses sérieuses à dire. Parce qu’il existe un moyen de rompre avec vos schémas et cesser d’alimenter les sources de votre fragilité.
— Vraiment ? Mais pour combien de temps ?
— Une étude expérimentale va être mise en place dans tout le pays d’ici deux semaines. Elle arrive comme ce rapport tout droit de Suède où nos confrères sont plus avancés que nous en la matière. Nous sommes trente médecins à y participer sur l’ensemble du territoire avec pour objectif, de trouver un moyen de guérir le syndrome du Coeur de Cristal. Je voudrais que vous puissiez y participer avec moi… Et si je n’en ai pas parlé avant, c’est parce que j’attendais d’être sûr d’avoir la date exacte de lancement.
— Expérimentale ! Ça fait très cobaye de laboratoire ça !
Je soupire ma profonde désespérance en affichant un air désinvolte pour me protéger.
— Oui, cette maladie est extrêmement rare. Nous devons procéder à des tests pour les traitements. Ça voudrait dire que vous aurez à appliquer un protocole et que nous nous verrons à fréquence régulière pour des examens de routine et des bilans de contrôles plus poussés en clinique.
— Je ne sais pas ! En quoi consiste votre protocole exactement ?
— À éviter l’isolement dans un premier temps et puis surtout à l’application d’une hygiène de vie… un peu comme un régime avec des compléments alimentaires que seront les médicaments.
— Je n’aime pas les régimes ça marche jamais ! Alors, comment vous dire ce que je pense des médicaments ? Pardon, mais je n’ai pas de temps à perdre pour me priver des dernières récréations que la vie peut me donner. S’il ne me reste que deux ans, je préfère faire l’école buissonnière, je préfère en profiter et m’enivrer jusqu’à la dernière seconde… mais vu la tête que vous faites, je n’ai pas vraiment le choix n’est-ce pas ?
— L’estimation de votre espérance de vie se base sur ce protocole. En effet, vous n’avez pas vraiment le choix. Je me suis déjà permis de vous inscrire. Il ne manque que votre accord et votre signature sur le document que j’ai là.
Il sort une pochette énorme avec des tas de papiers empilés les uns sur les autres qui en débordent. Je me prends la tête entre les mains.
— Je… j’ai pas envie. Vous me connaissez désormais, vous savez que mes émotions me guident, comme autant de phares pour traverser les nuits sans lune et les déserts sans oasis. Je ne tiendrai pas un mois ! Ce n’est vraiment pas une bonne idée, vous savez… et puis je n’ai pas le temps. Je n’ai pas envie de m’engager, je n’aime pas les engagements… les obligations, les frustrations. Je n’aime pas me limiter et me contraindre… Je suis libre voyez-vous, je ne veux pas de chaînes !
— Si ça marche, vous serez peut-être sauvée Nina ! dit-il en me coupant la parole.
Alors que j’étais en train de courir dans ma tête pour trouver un recoin où me cacher, je me suis stoppée net.
— Sauvée ! Non vous n’avez pas prononcé ce mot-là ?
— Oui sauvée.
— Mais enfin comment ?
— Vous allez aller chercher ce traitement à la pharmacie dit-il en griffonnant sur son carnet d’ordonnance… et je vais vous demander de tenir un journal intime de compréhension que voici. Il fait glisser sur son bureau un grand carnet épais noir et or.
Les sagesses orientales nous apprennent la tempérance, le contrôle de soi, la quête de l’équilibre qui mène à l’harmonie. Je vais vous accompagner et vous guider dans la pratique de cette philosophie… car pour comprendre, il faut savoir accepter… et accepter, c’est déjà dans bien des cas guérir. Mes confrères et moi pensons que nous ne pouvons pas soigner le corps indépendamment de l’esprit. Les deux sont liés. Je le regarde en pensant que j’ai tout de même de la chance d’avoir un tel médecin, doté d’une psychologie fine et d’une approche plus holistique de la maladie… de ce mal qui dit.
Je sais celle que vous êtes, je vois celle que vous pourriez être demain. Depuis le début, je sais que vous êtes courageuse. Je connais votre vécu, votre passé. Les conséquences d’aujourd’hui résultent des causes que vous avez dû traverser. Je m’essuie le visage avec les mains en espérant m’extirper de ce cauchemar bien trop réel.
Je vais vous expliquer ce qu’est un Coeur de Cristal. Voilà qu’à présent son esprit commence à sonder profondément le mien.
Les personnes porteuses de ce syndrome souffrent d’un mal étrange, car il est aussi source de bonheurs délicieux. Ces personnes aiment la vie plus que toute autre chose, souvent parce qu’elles en connaissent le prix. Elles goûtent, elles profitent, elles saisissent toutes les opportunités qu’elle a à leur offrir… mais ces personnes sans pour autant s’en rendre compte se fragilisent énormément. À trop vouloir donner aux autres et s’oublier, elles finissent par ne pas se voir se quitter.
Cette immense intensité, cet élixir d’une puissance inouïe est dirigé vers l’Amour de tout ce qui est, de tout ce qui les entoure. Et cela comporte des pièges dans lesquels il convient de ne pas tomber pour les franchir et pouvoir les dépasser.
Nina… vous êtes tombée dans tous ceux qui vous ont été tendus et de tous vous êtes sortie… sauf un ! Vous n’avez pas voulu ou pu vivre assez pour vous jeune fille !
À certaines vérités, il n’est pas possible de rester de marbre. L’âme reconnaît ce qui la touche et l’ego se fait parfois surprendre d’avoir passé son tour, sans pouvoir poser de filtres ni avoir eu le temps de juger quoi que ce soit.
Tout à coup, j’ai eu moins peur… mais j’ai pleuré. J’ai pleuré longtemps sans pouvoir fermer les vannes. Le docteur n’a rien dit. Il a patienté, il a écouté ce qui devait se purger pour décompresser les tensions accumulées et il a repris :
— Alors, les membranes du coeur s’affinent. En dernier recours, l’organe n’a plus d’autre choix que de se protéger. Il durcit en une dernière tentative et ses parois solidifiées se
transforment progressivement en cristal… le jour où il ne le peut plus, il se brise… et ce jour marque le dernier.
Il me tend à nouveau la boîte de mouchoirs en l’agitant doucement sous mon nez pour me la faire remarquer. D’ordinaire, chaque émotion fait vibrer le coeur sur la fréquence qui est la sienne. Une personne qui possède l’élasticité sentimentale nécessaire peut gérer les mouvements de tout ce qu’elle ressent. Votre syndrome vous en empêche et amplifie le phénomène… La quête de l’exceptionnel vous pousse à la recherche d’une adrénaline qui se révèle toujours décevante, impossible à atteindre ou tellement éphémère. Une personne qui aime autant les autres doit pouvoir d’abord s’aimer elle-même… C’est cela qui permet les fondements de la confiance en soi, pour croire en ses capacités, en ses possibilités, en ses envies et ses rêves pour travailler à les réaliser.
Vous devrez sortir de ce sas Nina ! Vous devez cesser de vouloir vivre la vie comme vous la rêvez sinon malheureusement, vous ne ferez que reproduire à l’infini la leçon que vous ne parvenez pas à retenir ici-bas. Les autres ne peuvent comprendre la force des sentiments qui vous animent. Ils sont incapables de mesurer l’ampleur de ce que vous avez à leur offrir… c’est cela qui les effraie et qui vous épuise… ce besoin de vouloir prouver que tout ce que vous ressentez existe, que tout est vrai !
Regardez… retournez-vous dans votre passé et voyez de quoi je parle…
Je relève la tête et perds mon regard dans le brouillard qui pèse derrière la fenêtre… je prononce un inaudible oui du bout des lèvres.
Un Coeur de Cristal est un coeur hypersensible, qui donne tout en s’empêchant sans cesse de recevoir ce dont il ne se sent pas assez digne, tout ce qu’il craint de perdre surtout. Vous avez tellement perdu Nina, vous avez perdu tout ce qu’un être peut perdre et pourtant vous avez survécu.
Ce rapport révèle qu’un Coeur de Cristal ne se sent jamais vraiment à la hauteur, pour lui rien n’est suffisant. Il a besoin de rajouter des suppléments de tout, partout. Faire, créer et donner du bonheur, c’est son refrain, son unique et réelle satisfaction. Un Coeur de Cristal ne s’autorise pas à aller mal, pour lui rien n’est jamais grave… si bien que les autres ont tendance à penser qu’il est insubmersible et à ne pas lui accorder le droit d’être diminué. Il est d’un optimisme que rien n’écrase… en théorie… parce que dans l’ombre, le coeur fait si mal que le patient sent quand on le frappe dans la large palette de ses émotions exacerbées.
Alors il se fendille en craquelant sous d’immenses déceptions qui crissent de douleur.
C’est une sorte de malédiction… une sorte d’enchantement qui ne manque de frapper personne. Un sortilège où les opposés se croisent avec violence pour créer des personnalités à part… remarquables, car diamétralement différentes des autres… remarquées tant elles sont vraies, tant elles ne savent pas tricher. Comprenez-vous combien c’est rare en ce monde ? Non bien sûr, puisque vous êtes convaincue que tous les êtres sont capables de le ressentir et de le comprendre…
Le médecin s’interrompt pour sourire, coupant son monologue presque rassurant.
J’entends au fond de moi le son d’une clochette suspendue à ses mots qui fait des échos de compréhension dans ma tête. Mais dans mon ventre, tourne une toupie affolante.
Elle projette ce chiffre « 2 » dans tous les recoins de mes intestins.
Il ne me reste plus que deux ans à vivre et j’ai seulement 35 ans !
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hâte de lire en entier <3