RENCONTRE AVEC L’ETRANGE
Cette porte était-elle là hier ?
Je connais bien cet endroit et pourtant je n’en suis pas certaine.
On la croirait tout droit sortie d’un songe, à moins qu’elle ne vienne d’un obscur mensonge.
J’ignore si c’est parce que j’ai peur que ma main tremble. Mais lorsqu’il faut y aller, rien ne sert de reculer toujours et encore.
Franchir le pas qui ne nous assure jamais de l’issue et sauter avec ou sans élan vers l’inconnu. S’assurer en rappel d’une éventuelle chute à l’intérieur de soi-même… et plonger !
Cette porte n’avait jamais attiré mon attention, cependant elle était là.
Elle avait traversé mon histoire sans que je ne trouve l’espace de la passer.
Si j’avais su… j’aurais aimé pouvoir ouvrir les yeux sans l’ignorer. On dit que derrière les apparences peuvent se cacher des merveilles insoupçonnées… serait-elle une de celles-là ? Je ne le saurais qu’après en avoir tourné la poignée immense.
Dans la fontaine des Vestiges, au centre de la cour des Prestiges se trouvait l’ange en toge blanche et aux joues lisses. Il n’a pas été si surpris de me voir. Il m’a regardé comme s’il m’attendait avec un joli sourire rebondi avant de se mettre à rire.
De son doigt minuscule, il m’a montré la surface de l’eau agitée par ses jambes boudinées comme celles d’un adorable bébé. Les ailes tenues haut pour ne pas les mouiller et les cheveux en bataille, méchés de soleil irisé… il était descendu de son nuage.
Il était beau comme le ciel lorsqu’il en est balayé.
Quand la surface s’est apaisée, je me suis penchée par dessus son épaule de porcelaine. Le reflet dévoilait nos deux visages côte à côte et sans que je m’en rende compte il avait disparu en laissant son image comme une ombre… en laissant ses traits contre les miens à la surface pour se mêler et nous confondre.
Je me suis retournée, j’étais seule.
Était-il là pour m’aider à voir l’être-ange… celui caché à l’intérieur de chacun de nous, à l’angle de toutes les règles ?
Rien ne m’a paru étrange… il est cette présence qui m’accompagne, même si je cherche et que je change.
J’ai laissé derrière moi la fontaine, la porte et la ruelle…
J’ai laissé mes pas remonter jusqu’à la frontière qu’ils avaient peur d’atteindre et sur la carte de mes repères, j’ai signé d’une croix cet endroit, pour ne plus jamais le perdre.
Elody