PORTRAIT de Carine CASTET

 

du 28 mars 2017

 

Prof de yoga & Fondatrice du studio Yogaventure à Toulouse

 

Lien site : www.yogaventure.fr

 

 

C’est par un après-midi ensoleillé du début du printemps que je me rends au studio Yogaventure rue de la Pomme à Toulouse à la rencontre de sa fondatrice : Carine CASTET que je connaissais déjà pour avoir suivi un de ses cours d’initiations l’année passée.

Ce qui frappe en premier, outre le sourire bienveillant de Carine, c’est le contraste entre le bouillonnement de la rue et le calme de cet appartement situé au dernier étage de cet immeuble de pierres rouges. Baigné de lumière et de douces couleurs, ce studio, dédié à la pratique du yoga existe depuis septembre 2010.

En un instant, l’effervescence laisse place à la quiétude et au plaisir de partager ce moment ensemble autour d’une délicieuse infusion.

 

LA VOIE DU DHARMA*

 

Carine est née à Toulouse, le 14 août 1981 mais bien vite, c’est en découvrant le monde qu’elle partira à la recherche d’elle-même. En sanskrit, le yoga signifie « réunification du corps et de l’esprit », un chemin initiatique qui la mènera à trouver sa voie…

 

D’où te vient ta passion pour le yoga ?

C’est assez drôle, car cette passion n’a pas été très naturelle au départ.

Lorsque j’étais en école de commerce à Sophia Antipolis près de Nice, mon entourage me trouvait stressée. Ma sœur et mes amies ont décidé de nous inscrire à un cours dont je ne garde que peu de souvenirs si ce n’est cette sensation de détente et de bien-être intense à la fin.

Je suis partie à San Francisco aux États unis en 2001. Là-bas, je me suis consacrée à mes études en mettant la pratique de côté. Puis en 2004, j’ai rejoint la Floride pour y faire mon master en gestion des systèmes d’information. J’y ai pratiqué un yoga plus dynamique que celui que j’avais essayé en France, mais c’est à Boston en 2006 que j’ai découvert à quoi ressemblait un vrai studio.

C’est ma colocataire, Abigaïl, qui m’a incité à l’accompagner, elle y suivait une formation. Les cours étaient pratiqués dans une salle très chauffée, c’était un bonheur tant les hivers à Boston peuvent être froids. La pratique dans une température élevée permet de réchauffer et d’assouplir les muscles permettant ainsi un étirement des muscles en profondeur. De plus, elle stimule la circulation du sang tout en favorisant l’élimination des toxines.

 

« Ce fut une révélation ! »

 

C’est alors que progressivement je me suis rendu compte que l’univers superficiel de la finance dans lequel j’évoluais et voulais faire carrière était à l’opposé de ce que je découvrais avec le yoga.

La crise des subprimes en 2009 n’a rien arrangé. Un matin, en arrivant au travail, un tiers de mes collègues avaient été renvoyés sans remerciements et escortés aux portes de la boîte par un agent de sécurité. Leur carton sous le bras, leur carrière ici, terminée. Je me souviens avoir pensé « Et si demain c’était moi ! ». J’adorais mon métier, mais ça a été un déclencheur. Je suis restée un an de plus puis j’ai envisagé de rentrer en France après 8 années passées aux USA.

Avant de rentrer chez moi, je me suis engagée seule en tant que bénévole sur un site archéologique à Lima au Pérou pendant 2 mois où j’étais hébergée chez l’habitant.

C’est là-bas que je me suis interrogé sur ce que je voulais faire de ma vie. Un jour, mon téléphone a sonné. C’était un des concurrents de mon ancienne boîte qui souhaitait me recruter. J’étais là, sur ma dune péruvienne, au téléphone avec un gars de Boston alors que j’étais en train de faire mes fouilles. C’était irréel !

Mais c’était trop tard… ce n’était plus cela que je voulais. Ce jour-là, j’ai renoncé à ma carrière. Je suis rentrée chez mes parents dans le Comminges, retrouver ma famille.

Dès lors, je suis passée de journées interminables au vide le plus total. Je me suis mise à réfléchir et à développer mon projet, à lire des livres, consulter des blogs, regarder des vidéos, enrichir ma pratique, m’intéresser aux textes anciens et la philosophie du yoga.

Je me suis inscrite en formation à Londres afin d’étudier la pratique du Sivananda. Je ne connaissais pas du tout. J’ai découvert un yoga doux, moins dynamique qui intégrait des temps de pause entre les postures. C’était aux antipodes de tout ce que j’avais connu jusque-là. Cependant, il s’est révélé plus riche en philosophie de vie, nous apprenant à vivre au quotidien avec les principes de la pratique.

Je me souviens au début, avoir dit à mes copines de chambre que je ne voulais pas rester, qu’on n’apprenait rien. Finalement je suis allée au bout et je suis revenue en France en 2010 avec ma certification en poche, prête à donner vie à mes projets et à ouvrir mon propre studio dès le mois de septembre.

Depuis, je ne cesse d’approfondir ma pratique par le biais de différentes formations comme celle que je fais actuellement avec le Docteur Lionel COUDRON (Médecin, diplômé en nutrition, nutrithérapie, acupuncture, biologie, médecine du sport, psychothérapie EMDR et enseignant de yoga depuis plus de 35 ans).

« C’est un chemin où l’apprentissage n’a pas de fin. Sans la pratique la théorie n’existe pas et inversement. C’est pourquoi entre mes cours et ma pratique personnelle, je pratique entre 10 et 12 heures par semaine. »

 

En quoi le yoga t’a fait changer sur le plan personnel et émotionnel ?

 

Ça m’a apporté la sécurité !

Lors de la crise des subprimes, je me suis sentie comme un électron libre, cela n’avait pas de sens.

Apprendre sur soi, créer du lien avec les autres permet de découvrir le calme et l’apaisement intérieur, on croit aussi davantage en la nature humaine. C’est une pratique rassurante que l’on emporte partout avec soi et qui sert d’ancrage.

 

Nous avons une passion commune pour la nature et les voyages.

Qu’est-ce que cela t’apporte de parcourir le monde ?

 

Je crois que le voyage doit être abordé l’esprit ouvert.

Le contexte de nouveauté, d’ailleurs, favorise l’état de pleine conscience. Je pense qu’il faut partir en ayant envie d’ouvrir les yeux de son cœur.

Le week-end dernier, Lionel COUDRON nous a expliqué que la pratique de la méditation favorise la sécrétion d’un facteur de croissance neuronal qui fait que les cerveaux des « méditants » sont plus lourds que ceux des autres. Grâce à la concentration et à la multiplication de méthodes, il est possible de parvenir à se focaliser sur l’instant, absorber la nouveauté d’un pays, des paysages et en profiter pleinement.

Je dis souvent à mes élèves lors de nos stages à l’étranger que le voyage commence par un état d’esprit.

 

Es-tu favorable à la pratique du yoga et de la méditation chez les enfants ?

 

Souvent on entend dire qu’avant 10 ans, les enfants n’ont pas la capacité de concentration nécessaire pour pratiquer le yoga et la médiation.

Au studio, on donne des cours pour les petits et on se rend compte qu’ils ressentent les effets avec plus d’intensité que nous, car ils sont dans l’accueil des choses. Ils retirent immédiatement les bénéfices parce qu’ils ne se posent pas de questions, ils ressentent.

Je suis plus que favorable à ces pratiques à partir du plus jeune âge et au sein des écoles, ce serait un vrai plus.

 

La beauté passe aussi par l’intérieur. Tu postes régulièrement des petites recettes sur ta page Facebook.

Pourquoi est-ce si important de bien s’alimenter ?

 

Bien s’alimenter fait partie intégrante de la pratique du yoga.

Notre mode d’alimentation peut avoir des effets sur notre caractère.

En complément, l’ayurvéda (médecine traditionnelle originaire de l’Inde) montre que les aliments sont les briques qui construisent la personne que l’on devient.

Mes élèves me disent souvent que manger bio est incontournable et je ne peux que les approuver, c’est évidemment vrai, mais la meilleure des alimentations ne peut rien si on néglige les effets du stress au quotidien.

On sait qu’il est un puissant oxydant pour le corps. Diminuer son état de stress, c’est avoir conscience de soi, c’est devenir acteur de sa vie.

Malheureusement dans nos sociétés, toute l’agressivité qui nous entoure et que nous accumulons, nous la retournons contre nous-mêmes. On mange mal pour se consoler au détriment de notre santé.

Il est important de rester à l’écoute de son corps et de ses émotions.

 

Peux-tu m’expliquer ce qu’est le Dharma dans la philosophie yogiste ?

 

Le terme Dharma* désigne le principe de destinée.

Il peut faire peur, car il renvoie au fait que nous n’avons qu’une seule vie et qu’il ne faut pas passer à côté. Il désigne le fait de suivre son but, se raccrocher à ses rêves.

Certains savent ce qu’ils veulent faire dès leur plus tendre enfance. C’est le cas de ma sœur qui voulait travailler depuis petite à la météo et elle a atteint son objectif.

D’autres empruntent d’autres chemins avant de trouver celui qui mène à leur voie. Ce temps est nécessaire pour affiner ses choix. En aucun cas, ce ne sont des portes qu’on ferme, on apprend seulement à reconnaître ce qui ne nous correspond pas.

Tout en se confrontant à l’adversité, il ne faut pas s’entêter. Les textes du yoga disent que si le Dharma est bon alors tout l’univers conspire à nous faire avancer sur cette voie. La mise en place des Sadhanas (discipline quotidienne qui permet au mental et au corps de servir l’âme et maintenir un esprit clair pour guider nos actions avec précision) permet d’avancer vers le Dharma.

 

Que t’évoques la transmission ?

 

C’est fondamental pour moi ! Le yoga est enseigné oralement depuis des millénaires, c’est donc un rôle naturel que de vouloir le perpétuer. La transmission est présente partout dans notre vie quotidienne. Il y a ce que l’on transmet en conscience et ce que l’on transmet malgré nous, par notre façon d’être.

La transmission c’est l’enseignement du vécu !

 

Tu es une femme de ton temps, active. Tu suis des études en pharmacie en parallèle de tes cours, de tes stages et de ta vie personnelle.

Comment fais-tu pour tout conjuguer sans être débordée ?

 

Je manque souvent de temps c’est vrai alors j’ai décidé de faire des choix, d’affiner mes envies pour savoir ce que j’ai vraiment envie de faire. Quand je ne l’écoute pas, mon corps se manifeste, mon sommeil, mon alimentation, mon calme intérieur sont perturbés. Par exemple cette année j’ai réduit le nombre de mes stages par rapport à l’année dernière, c’était trop pour que je parvienne à tout faire bien en conservant le plaisir.

Lorsque j’ai été acceptée en faculté de pharmacie, j’ai dû donner des priorités aux choses. C’est justement cette notion de plaisir qui définit mes choix. Parfois c’est culpabilisant, surtout vis-à-vis de sa famille, mais c’est important, car se faire plaisir donne de l’énergie, on est plus disponible aux autres ensuite.

 

Pour finir, je voudrais te demander ce que tu penses de mon projet :

Ecrire pour permettre aux gens de transmettre leur mémoire, leurs souvenirs à leurs proches, graver les mots pour les protéger à jamais dans un livre ?

 

C’est une merveilleuse idée !

Au moment du décès de mon grand-père, nous avons regretté ma sœur et moi de n’avoir pas pris de notes, conservé ses mots, ses souvenirs.

Le fait d’écrire, d’apporter de la poésie en faisant vibrer les émotions va devenir, je pense, de plus en plus essentiel dans nos vies, car ce qui reste toujours, c’est la transmission.

Après peu importe si les gens aiment ou pas, nous ne sommes pas responsables de la vie des autres. C’est cela la voie du Dharma : avancer vers ce qui nous ressemble sans porter sur soi le regard des autres.

 

À l’heure où je termine la rédaction de cette mini-biographie, je suis en pleine réflexion sur les choses, les gens, la vie en général… et cette fameuse voie du Dharma.

Carine porte en elle une douceur et une bienveillance que peu de gens possèdent. J’aurais pu encore l’écouter me parler avec sagesse et passion de son histoire et de sa philosophie.

J’ai découvert une jeune femme positive, intuitive, ouverte au monde et aux autres. On ressent combien la pratique du yoga est importante dans son quotidien, mais pas seulement, pour ses élèves aussi dont elle parle très souvent. On ressent que le partage et l’union sont des valeurs clés pour elle.

Carine m’a donné ce que nous possédons tous de plus précieux : son temps. Je l’ai vue prendre du plaisir à se raconter en revivant ses souvenirs, en déroulant le tapis de son histoire.

Peut-être poursuivrons-nous un jour le récit… dans un livre… où elle nous livrera plus en détail sa vision des petites choses qui en font les plus importantes, ses recettes gourmandes et ses récits de voyage au bout du monde, le tout saupoudré de postures et de philosophie yogiste bien entendu… j’en serai plus que ravie en tout cas.

Un grand merci du cœur – Namasté