ROME

J’ai vu tomber les statues et se fendre les marbres éclatants sur le sol des palais,
J’ai vu plier les colonnes, craquer les mosaïques et chuter les temples du plus grand des empires…
J’ai vu Rome tomber.…

J’étais autrefois gladiateur dans le tombeau pensé et édifié par les empereurs qui se sont succédés sur le trône.
J’étais esclave, otage des combats, responsable de la liesse autant que de la peur sauvage.

Au prix des vies arrachées par la lame de mon glaive, j’ai gagné ma liberté qui s’est élevée depuis le sable ensanglanté du Colisée jusqu’à Mars… jusqu’au fourreau de ma paix.

J’entends encore résonner dans mon âme les roues folles des chars, le galop des chevaux inépuisables qui tournent sans relâche et qui bavent jusqu’à la victoire…
Je me souviens de la foule qui hurle d’une même voix, d’un même éclat de foudre… qui exulte de la même joie.

Les hommes ont pliés sous les assauts des armes, les fauves ont festoyé et déchiquetés la chair des hommes et des femmes… Ici se sont enchaînés les drames, ici se sont noyées les larmes.
La clameur du peuple comme un tambour gigantesque qui fait entrer dans la transe d’une guerre enfermée,
Et au balcon l’Empereur avec son pouce plié, tantôt relevé vers le ciel, tantôt abaissé vers les enfers… unique Maître de nos destinés.

Qu’est-ce que la vie, qu’est-ce que la mort dans l’arène ?

C’est le spectacle que l’on offre pour distraire, pour éloigner de l’important et de ce qui vaut la peine de se soulever. Rien n’a vraiment changé à votre époque, il y’a toujours autant de violence, autant de minables qui regardent et laissent tomber les masses, pour asseoir leur pouvoir à la table des puissants… au banquet des inconscients.

Rien n’a vraiment changé.

J’ai vu tomber Rome…
Vous, c’est le monde qui s’effondre que l’on vous offre en divertissement effrayant sans que vous ne puissiez plus bouger.
Mais n’oubliez pas qu’ils ne savent rien faire contre des cœurs animés d’amour… ils ne savent plus penser face à cette force inconnue qui tremble sous leurs pieds… qu’ils tentent de vulgariser de naïveté, de rouler dans la puérilité pour mieux nous diviser.

Laissez aux faibles la facilité des armes… gagnez votre liberté en faisant la paix avec votre âme.
Ils ne pourront plus la faire trembler, ainsi ils ne pourront plus jamais vous la prendre… et vous pourrez répandre à votre tour plus de graines que d’offrandes, plus de joie que de cendres…

Vous pourrez avec les pierres qu’il reste bâtir des ponts en faisceaux de lumières, vous reconnaître et vous répondre dans des cœurs à l’unisson avec le vôtre.

Elody