UNE BOUTEILLE À LA MER

 

Ça fait des semaines, des jours entiers, des nuits sans lunes ni sommeil que je tourne et retourne mes pensées de toi. Des jours, des nuits que tu ne me quittes plus sans être là… mais où es-tu ?

 

L’errance mène mes sentiments à la déchéance, la transe rend toutes mes émotions muettes et rances.
Je te cherche jusque dans les ruelles sombres de mon esprit et jamais je ne trouve l’écho de ta voix où de tes pas qui me conduiraient jusqu’à toi.
Dis-moi, on s’est perdu c’est ça…

 

Que font les gens en de pareils moments ?
Est-ce qu’ils crient ?
Est-ce qu’ils fuient ?
Est-ce qu’ils prient ?

 

Moi je me recroqueville sur ce banc froid,humide et je pleure tout le sel de mon corps. Je ne suis capable de rien d’autre. La réalité passe sur moi dans ses vapeurs de douleurs aussi éparses que mes peurs… je laisse partir tout ce que je n’ai pas su retenir, tout ce que je ne peux plus contenir.

 

Et puis une vieille dame pose sa main chaude et ridée d’expériences sur mon épaule. Sans défense, je la regarde me tendre une bouteille en verre et un bouchon en liège, avant qu’elle ne me lance ces mots remplis d’air :

 

– Mon petit, si vous croyez avoir perdu quelqu’un ou quelque chose, le plus important c’est de continuer à croire et à vous remémorer que cela a existé.
Si l’autre emporte le vent et dilapide vos souvenirs et vos secrets dans ses courants d’oubli, enfermez les vôtres pour que jamais ils ne puissent être abîmés… Pour que vous ne perdiez pas votre capacité à pouvoir encore aimer, jetez cette bouteille à la mer et tout continuera à exister…

 

Elle m’a tendu un mouchoir et lorsque j’ai redressé la tête pour la remercier, elle marchait déjà en direction du square, son petit chien dodu à ses pieds.

 

Face à l’océan sans fin, je suis restée assise longtemps… à réfléchir à ce que je pouvais écrire, quels étaient les termes que je voulais retenir de nous avant de les envoyer en voyage sur les vagues par delà les continents.
Et puis, soudain j’ai compris…

 

Je me suis levée et j’ai marché tout droit vers la jetée. Je suis allée jusqu’au bout, là où l’océan s’écrase contre le phare et les rochers les jours de tempête.
J’ai enfermé le vide à l’intérieur de la bouteille et de toutes mes forces je l’ai lancé dans les bras de l’écume argentée.

 

Dans mes pas de retour je souriais en grand.
Dans ce flacon, il n’y avait rien de vide… bien au contraire. J’avais embaumé la bouteille de l’oxygène qu’on avait respiré. J’ai laissé entrer ce Tout qui n’avait pas assez de mots pour être expliqué. Dans cette bouteille, j’ai contenu notre part d’éternité… celle qui pour toujours, ne cesserait jamais d’exister.

 

Elody

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